8 propositions pour une alimentation de qualité pour tous, respectueuse de l'environnement et soucieuse du bien-être animal
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Obésité, prévalence de cancers liés au mode de vie, introduction de substances chimiques dans l’agriculture et d’additifs dans les produits alimentaires… L’alimentation est un facteur déterminant des inégalités en matière de santé et d’exposition des personnes aux pollutions. Les maladies de la mauvaise alimentation représentent un coût estimé à 5 Mds€ pour le système de santé national.
Le modèle industrialo-alimentaire occidental, dans les pratiques de production agricole comme de transformation, est l’un des premiers responsables des atteintes à l’environnement, avec des conséquences locales et globales. La protection de la chaîne du vivant, des éco-systèmes et de la condition animale, doivent faire partie intégrante des objectifs de la politique agricole française et européenne.
La FAO estime à 14,5% les émissions de gaz à effet de serre produits par l’élevage. C’est légèrement plus que l’ensemble du secteur des transports, aériens compris. L’élevage est également la plus grande source de polluants de l’eau. Ces polluants sont principalement les déchets animaux, les antibiotiques, les hormones, les produits chimiques des tanneries, les engrais et les pesticides utilisés pour les cultures fourragères, et les sédiments des pâturages érodés. L’élevage intensif est très répandu. L’élevage « traditionnel » ne représente plus qu’une part négligeable de l’élevage.
Nous proposons 8 mesures pour transformer nos modes de production et de consommation, en créant des emplois, et sans générer de fracture sociale ou territoriale.
1. Mettre fin aux pratiques cruelles de l’élevage intensif
2. Accompagner les producteurs vers le progrès social et environnemental
3. Défendre une politique agricole cohérente avec les objectifs climat européens
4. Alimen’terre: une vignette qualité pour les produits bruts et artisanaux
5. Mettre en place un plan national de transition alimentaire
6. Créer une éco-prime à l’achat de produits alimentaires de qualité et de proximité et développer les tickets restaurants “verts”
7. Eco-conditionner les aides agricoles françaises et européennes
8. Soutenir la recherche dans les solutions optiques et numériques pour l'agriculture.
1. Mettre fin aux pratiques cruelles de l’élevage intensif
La réglementation doit évoluer pour y introduire le respect de la condition animale :
Interdire les opérations douloureuses, induites par la claustration et la surpopulation des élevages, a fortiori, lorsqu’elles sont pratiquées sans anesthésie (e.g. coupe de la queue, rognage des dents sans anesthésie, castration à vif des mâles, épointage des becs, dégriffage des pattes des poules et des canards, écornage des veaux).
Interdire le sexage et trouver un débouché pour les poussins mâles des souches pondeuses - à l’image de l’initiative allemande Seleggt - et femelles de la filière foie gras.
Limiter la durée de transport sur le territoire français à 8 heures (4 heures pour les volailles) et interdire le transport des femelles gestantes au dernier tiers de leur gestation.
Interdire la commercialisation des œufs issus de poules élevées en cages.
2. Accompagner les producteurs vers le progrès social et environnemental
Prendre en compte dans la politique agricole les spécificités locales et accompagner en priorité la transformation des filières les plus polluantes (exemple: porc breton)
Imposer une limite de temps de travail (2 à 4h) sur le poste d’abattage, à l’issue de laquelle le salarié travaillerait sur un autre poste (par exemple la découpe).
Appuyer toute nouvelle certification sur des informations déjà requises afin d’éviter d’alourdir la charge administrative des exploitants, l’indicateur pouvant être calculé sur la base d’un croisement de données original opéré par l’administration.
Réserver l’accès à certains financements européens (PAC ou fonds de cohésion des territoires) aux exploitations qui s’engagent.
3. Défendre une politique agricole cohérente avec les objectifs climat européens
Pour respecter leurs engagements en matière d’émissions de gaz à effet de serre, les pays dont la consommation de produits d’origine animale dépasse la moyenne mondiale s’engageraient à réduire leur consommation par paliers, avec des objectifs chiffrés et des dates butoirs pour les atteindre (via un système qui pourrait s’inspirer des quotas carbone).
Les pays dont la consommation de produits d’origine animale est en dessous de l’actuelle moyenne mondiale s’engageraient à ne pas dépasser ce seuil, et à ne pas encourager, par des politiques publiques, le développement de l’élevage intensif (aquaculture incluse) sur leur territoire.
4. « Alimen’terre » : une vignette qualité pour les produits bruts et artisanaux
Le succès d’applications sur la qualité des produits alimentaires comme Yuka montrent l’attente citoyenne de transparence sur les caractéristiques des aliments. Elles sont cependant dédiées au « meilleur choix responsable » dans l’agro-alimentaire industriel, défavorisant le recours aux produits bruts ou de transformation artisanale (bouchers/charcutiers/boulangers, restaurateurs…).
Nous proposons la création d’une vignette « Alimen’terre » applicable aux produits et/ou aux producteurs, qui pourrait s’inspirer de la vignette « crit’air » sur les véhicules polluants.
Les conditions actuelles de traçabilité des produits agricoles et les différents labels existants permettent d’envisager la généralisation d’une vignette sur les produits bruts et transformés par les artisans, indiquant leur qualité socio-environnementale.
Elle permettrait d’éclairer les choix des consommateurs, mais aussi d’orienter la commande publique, de favoriser les politiques publiques agri-environnementales pour accompagner techniquement et économiquement les exploitations qui en ont le plus besoin, de faciliter la montée en gamme des filières agro-alimentaires, de faire reconnaître les pratiques et systèmes agricoles les plus vertueux…
Elle serait un moyen de rendre obligatoire l’information sur le mode d’élevage (intensif, extensif, nourri aux OGM…) et le mode de production (avec/sans pesticides, labels Bio, HQA, local /importé…)…
Elle s’appuierait sur les certifications intégratrices qui proposent une approche systémique telles que l’agriculture biologique (AB), la certification haute valeur environnementale (HVE)2, certains produits Label Rouge ou appellation d’origine protégée (AOP). Ces démarches sont déjà les mieux reconnues par le consommateur.
L’affichage de la vignette de qualité alimentaire pour les produits bruts et de première transformation serait obligatoire d’ici 2022 dans la restauration collective et dans la grande distribution.
5. Mettre en place un plan national de transition alimentaire
Mettre en valeur les objectifs « nutrition » du plan national santé environnement 2015-2019, en insistant sur les effets sanitaires néfastes des produits alimentaires multitransformés, sur les risques liés aux additifs chimiques, et en encourageant le recours au « Nutri-score » et autres indicateurs de qualité alimentaire (voir proposition 4).
Lancer une campagne de communication pour diminuer les quantités de viande produites et consommées du point de vue éthique et environnemental, en s’alignant sur les préconisations de l’école de santé publique de Harvard : limiter la consommation de viande à 90 g par jour et limiter la consommation de laitages à deux portions par jour.
Donner une part plus importante aux végétaux et aux produits locaux et de saison dans l’alimentation, en facilitant l’installation d’exploitants et maraîchers bio (éco-conditionner les aides nationales et européennes), en favorisant dans les marchés publics et la restauration collective le recours aux fournisseurs de proximité, en soutenant l’installation de petites unités de transformation et l’accompagnement des éleveurs intensifs vers d’autres types de production.
Autoriser un menu végétarien à la cantine.
6. Créer une éco-prime à l’achat de produits agricoles et alimentaires de qualité et de proximité et des tickets-restaurants « verts »
Le risque principal d’une montée en gamme réside dans l’élévation du prix des produits agricoles et la difficulté croissante des foyers aux revenus les plus modestes à y accéder.
Nous proposons la création d’un « bonus-malus » pour les produits alimentaires, favorisant pour tous les circuits courts et les produits dotés d’une vignette qualité, pour contribuer à valoriser les pratiques agricoles vertueuses.
A l’image du chèque énergie, et dans l’esprit des monnaies locales, le bonus, ou l’éco-prime, serait distribuée par les conseils départementaux sous conditions de ressources et favoriser l’économie locale.
Un malus sur les produits dont la vignette « Alimen’terre » présente un mauvais bilan nutritionnel/carbone pourrait être progressivement instauré, les recettes issues de la taxe étant redistribuées pour faciliter l’installation d’exploitations bio et le financement des eco-primes.
En complément, nous proposons la création de tickets restaurants “verts” donnant accès aux commerçants utilisant la vignette Alimen’terre pour favoriser l’accès aux produits de qualité, et ainsi leur développement dans l’offre de restauration.
Le recours à ces tickets « verts » pour les salariés serait pris en compte dans la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
7. Eco-conditionner les aides agricoles françaises et européennes
Le verdissement de la politique agricole commune et la sortie en Europe des intrants chimiques nocifs sont indispensables. La sortie du glyphosate doit être inscrite dans la loi avec une échéance claire et définitive afin de préparer la profession et d’accélérer la recherche d’alternatives (voir proposition 8.)
La place de l’agriculture du point de vue budgétaire est d’importance structurelle pour toute la politique européenne. Or, nous sommes à l’aube d’une nouvelle période de programmation des fonds européens et d’un nouveau mandat de la Commission pour lesquels les discussions ont commencé. La France doit défendre :
l’inversion de la stratégie de distribution des aides qui favorise le revenu agricole aux dépens du soutien à la transition, en conditionnant davantage les aides à la conversion écologique des exploitations;
la reconnaissance des nouvelles formes d’agriculture, des bénéfices de la permaculture notamment, des collectifs d’exploitants, des innovations sociales ;
le lien entre ruralité et vie agricole, en garantissant la cohérence des aides du FEADER et de la PAC, et en pilotant conjointement les politiques de production agricole paysanne et d’aménagement du territoire, dans le cadre des mesures de simplification et de « renationalisation » de la PAC préconisées par la Commission, sous forme de contrats territoriaux.
8. Soutenir la recherche dans les solutions optiques et numériques pour l’agriculture
Parmi les solutions technologiques permettant à terme de supprimer les intrants chimiques dangereux, les solutions robotisées soutenues par l’INRA, qui identifient avant l’épidémie les plants malades ou fragiles paraissent prometteuses. Elles permettent à l’exploitant d’arracher les plants avant expansion de la maladie, sous une forme « semi-préventive ».
Aujourd’hui coûteuses, ces innovations ont fait leurs preuves sur des exploitations à haute valeur ajoutée (vin haut de gamme, fleurs et plants pour la cosmétique), et permettent à leurs exploitants de revendiquer zéro intrant chimique auprès de leur clientèle.
La recherche sur ces technologies doit permettre de les rendre accessibles au plus grand nombre, comme alternatives aux produits pesticides les plus nocifs.